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Une oeuvre d’art au CIAP : Ausone vient en ville.

D 26 mai 2015     H 00:53     A Annie Lesca     C 0 messages


Hermann Van der Hem : Bordeaux vu depuis la Garonne vers 1640, Gallica
Extrait d’un dessin à la plume et encre brune d’Hermann van der Hem, décennie 1640. Bordeaux vu du fleuve : au premier plan, le Château Trompette ; en arrière-plan, au centre gauche, la tour Pey-Berland, et au centre droit, entre les flèches de la cathédrale et le Château Trompette, profil des piliers de Tutelle qui dominent la ville de haut.

Le film sur les berges de Garonne au XVII° siècle présenté par le CIAP s’appuie sur une dizaine de gravures de cet artiste hollandais pour nous faire revivre une très belle remontée de l’estuaire jusqu’à Bordeaux.

Mais comment l’équipe d’ Axyz a-t-elle réussi la prouesse de créer, presque ex nihilo, une descente de la Garonne treize siècles auparavant, de Loupiac à Burdigala ?
Présenté dans la même salle, en alternance avec le premier film, un diaporama exceptionnel nous offre une reconstitution/restitution à 100% des berges du fleuve et du port intérieur qui m’a donné envie d’en savoir plus sur le calendrier de sa fabrication (son "making of" comme disent certains), en l’absence d’une page de "Crédits".

Mes recherches personnelles ne m’avaient pas menée loin :

En une heure, mercredi dernier, Thierry Barbier d’Axyz, m’a donné tellement de pistes qu’un seul article ne suffira pas à faire revivre cette véritable épopée à laquelle ont participé pendant plusieurs mois graphistes, historiens et artistes.

D’autant que j’ai trouvé sur le net cette thèse (Jessica Fèvres. Infographie, images de synthèse et patrimoine monumental : espace de représentation, espace de médiation. Art and art history. Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2012) qu’il m’a semblé indispensable de lire de toute urgence pour replacer les deux films dans leur contexte historico-politique. J’en citerai quelques extraits pour vous mettre en appétit :

UN PEU D’HISTOIRE

Les exemples de la première étape de construction historique d’un espace public patrimonial concernent d’ailleurs Burdigala et les représentations de deux monuments historiques "emblématiques", l’un à partir d’un relevé de Claude Perrault et l’autre par Élie Vinet.

- Les architectes et les trois modes de restitution du patrimoine monumental :

Perrault prolongea donc les considérations graphiques entamées par Raphaël plus d’un siècle auparavant :
« Les figures sont de trois espèces,

  • il y en a qui n’ont que le premier trait pour expliquer les mesures et les proportions qui sont prescrites dans le texte ;
  • les autres sont ombrées pour faire voir l’effet que ces proportions peuvent faire étant mises en œuvre,
  • et pour ces mêmes raisons quelques-unes de ces figures ombrées ont été faites en perspectives, lorsqu’on n’a pas eu l’intention de faire connaître ces proportions au compas, mais seulement au jugement de la vue. » (thèse, p. 47)

- Images mémorielles des antiquaires pour renouer avec le passé illustre de leur ville et (...) souligner le lien déjà fort unissant la sphère des érudits et par là même du patrimoine avec le monde politique.

L’image en particulier commença alors à jouer un rôle décisif dans la mémoire collective de la cité, ou plus largement de la communauté. Elle constituait déjà une forme de communication visuelle et, d’une manière plus globale, la diffusion de plus en plus importante d’images imprimées avait l’avantage d’offrir à l’espace public – limité – des images mémorielles toutes prêtes et facilement lisibles par les lettrés. (thèse, p. 49)

- L’invention de l’imprimerie a fourni "un cadre spatio-temporel commun aux hommes de savoir "(note I-78) et l’architecture est devenue rhétorique : "l’imitation d’un monument antique prestigieux est reconnue et perçue comme une citation".
Puis, en complément de la multiplication des livres, les médias de diffusion se sont multipliés et ont en quelque sorte institutionnalisé le savoir architectural et archéologique , l’ont même vulgarisé en élargissant les publics :

le dictionnaire raisonné de Viollet-le-Duc innove en insérant dans le texte de très nombreuses illustrations didactiques. (note I-91)

INFOGRAPHIE ET PATRIMOINE MONUMENTAL

- Le colloque Virtual Retrospect réunit tous les deux ans des professionnels du monde de l’infographie et du patrimoine. Il est organisé par Archéovision, la Plateforme 3D (PFT3D) du centre de recherche archéologique de Bordeaux3, Ausonius. Il permet des aller-retours permanents entre usages et discours sur les usages (p. 116).

- Les restitutions infographiques d’Axyz :

La restitution infographique permet d’assurer la conservation d’une
mémoire visuelle du monument par un mécanisme de reprise des récits médiatiques produits à partir du XIXe siècle, ou des représentations romantiques des ruines moyenâgeuses. (p. 137)
Pour la villa de Plassac,

  • l’élévation en transparence donne à voir les structures connues de façon certaine par les archéologues
  • et s’oppose au rendu réaliste qui se présente comme une évocation. (p. 177)

Quand les programmes infographiques deviennent des machines à remonter le temps (p. 218).

Formes hybrides qui redoublent le monument moins pour lui adjoindre une information que pour le simuler. Faites pour être parcourues, elles sont censées procurer des émotions jusqu’alors exclues des pratiques documentaires et réservées aux usages commémoratifs ou contemplatifs. (p. 244)

Cette représentation est particulièrement riche en informations scientifiques, notamment en ce qui concerne les textures utilisées pour distinguer les types d’appareillages. Nous avons en effet accordé une importance considérable à ces derniers, à l’image du travail effectué pour créer celles de la tour de l’enceinte gallo-romaine... mais sans dossier qui justifie chacun des choix opérés elle ne reste qu’une icône. (p. 251)
  • Jean-Claude Golvin, quant à lui, compare le modèle tridimensionnel – notre monument virtuel – à un espace à cinq dimensions qui, en plus des trois coordonnées de l’espace géométrique (x, y et z) rajoute le temps (t) par la possibilité de le parcourir, et les connaissances accumulées, par l’association de liens de type hypertexte.
  • Patrick Fraysse : la simulation informatique fabrique des hyper-monuments, images d’une réalité supposée
Exemple d’hyper-monument, la visite virtuelle de la cathédrale Saint-André par le Service de l’Inventaire et Axyz

Le monument virtuel, en permettant la compilation et la gestion des références historiques, se présente d’abord comme un outil scientifique légitime de médiation documentaire ; mais il dessine dans le même temps de nouvelles expériences de médiations éditoriales des sites historiques. (p. 254)

Le monument virtuel peut être assimilé à une zone frontière où se rencontrent deux cultures, celle des chercheurs et celle des infographistes. (p. 274)

Dossiers Axyz sur monuments girondins :

  • LA VILLA DE PLASSAC, Annexe p. 336-339.
  • LE PALAIS DE L’OMBRIÈRE, Annexe p. 340-343.
  • LA CATHÉDRALE SAINT-ANDRÉ, Annexe p. 348-350
  • LE CLOÎTRE DE LA CATHÉDRALE SAINT-ANDRÉ, Annexe p. 351-354

RENCONTRE AVEC THIERRY BARBIER D’AXYZ

  • Le projet d’origine et son évolution en fonction des contraintes budgétaires et temporelles,
  • Les intervenants (historiens, archéologues, infographiste, médiateurs), leurs rôles respectifs et les interactions,
  • Le choix d’un espace panoramique dans la partie supérieure de l’écran (cadrage au fil de l’eau) pour la narration et la recherche de l’utilisation de l’espace restant (carte et iconographie de référence),
  • La sélection d’une dizaine de séquences successives présentant un intérêt géographique et historico-social,
  • Les propositions de contenus à partir des connaissances du territoire d’E. Jean-Courret,
  • L’écriture-fiction basée sur la notion de plausibilité,
  • Le choix d’une voix de comédien adaptée au texte.
  • Le travail d’un graphiste pour la géométrie des berges (SIG)
  • Le cadrage des images de synthèse : possibilité d’enchaîner (durée, vitesse, intérêt) et les adaptations en fonction des remarques des historiens
  • Le choix du pseudo-aquarellé (vestiges plausibles) pour faire sentir que c’est une interprétation
  • Les remarques de J.-C. Golvin et surtout J.-M. Gassend,
  • Le travail de recherche permanent de Jessica qui permettait de remodeler et de fignoler les paysages notamment ;

et de conclure en soulignant l’esprit exigeant de chaque participant dans son domaine et le respect des compétences dans les échanges pour aboutir à un film-plaisir, ce qui est le cas.

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