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RRAC, ou récupération rapide après chirurgie

D 29 juillet 2018     H 02:54     A Annie Lesca     C 0 messages


Ce sigle peu appétissant recouvre la découverte par un médecin danois il y a une vingtaine d’années d’une nouvelle procédure pour accélérer la récupération des opérés en chirurgie colique.
J’ai bénéficié sans le savoir de cette Récupération Rapide Après Chirurgie et fait des recherches rapides pour en connaitre les objectifs et les moyens.

La Récupération rapide après chirurgie est donc une procédure assez révolutionnaire, mise en place par le professeur Kehlet en 1995 ; elle permet aux patients de quitter l’environnement hospitalier très rapidement après une intervention même lourde.

La tradition voulait que les personnes hospitalisées bénéficient de soins professionnels dans un cadre institutionnel pour assurer une meilleure convalescence jusqu’à complète guérison ou presque.

La réhabilitation précoce prend le contre-pied de nombreuses habitudes.

L’objectif est de réduire le stress des interventions chirurgicales pour permettre aux patients de récupérer plus vite leurs capacités physiques et psychiques en s’appuyant sur un certain nombre de mesures techniques. La coordination de l’équipe de prise en charge globale en péri-opératoire joue un rôle capital, notamment l’implication du personnel paramédical.

Un chemin clinique est établi pour chaque opéré pour lui permettre d’évaluer son état et les suites à donner après sa sortie précoce de l’hôpital.

Chaque opéré retrouve son confort familier plus rapidement, la durée d’hospitalisation est réduite et les coûts de prise en charge diminuent ; un article d’Hélène Beloeil du Service d’Anesthésie Réanimation du CHU de Bicêtre analyse en détail tous les changements apportés en chirurgie colorectale :
* Les patients ne sont plus soumis à la préparation colique nocturne d’avant l’intervention.
* La pose systématique d’une sonde naso-gastrique est abandonnée pour toute chirurgie abdominale, ainsi que de tout drain.
* Le recours aux antalgiques morphiniques est décommandé, au profit d’anesthésiques locaux.
* La prise de chewing-gum dès le premier jour facilite la reprise du transit intestinal ! En effet la réalimentation précoce en postopératoire est fortement recommandée. Elle est d’ailleurs facilitée par un retour au domicile de chaque patient qui retrouve ses habitudes en les modifiant en fonction des recommandations des.nutritionnistes.

Mais la mise en place des programmes de réhabilitation se heurte à des réticences au changement en France et rares sont les hôpitaux qui l’appliquent. De plus, un nombre important de patients ne souhaitent pas quitter l’hôpital trop tôt.

L’âge physiologique, kezako ?

La vitesse de récupération ne dépend plus de l’âge biologique mais de l’âge physiologique du patient. Cette notion a été décrite en anthropologie par F. Bourlière (Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris) en 1963 dans son étude sur le vieillissement différentiel.

Il faut apprécier le rôle respectif des facteurs génétiques, écologiques et pathologiques. Les études se sont appuyées sur des mesures et explorations fonctionnelles d’individus, en les comparant aux normes de la population concernée, dans un environnement européen.

F. Bourdière et son équipe ont donc étudié l’involution morphologique et physiologique des vertébrés supérieurs :

  • discrimination des tissus actifs et augmentation des tissus passifs métaboliquement inertes :dépôts graisseux et tissus interstitiels
  • modifications qualitatives du fonctionnement des tissus et des organes : poids, dépôts graisseux sous-cutanés en mesurant le pli cutané au point huméral, scapulaire, iliaque, mamelonnaire, paraombilical, ungual et mentonnier.

- Involution de certaines fonctions :

  • ventilation (pratique continue d’un sport ?)
  • appareil circulatoire (pression et pouls)
  • dosage de cholestérol
  • excrétion urinaire (épuration de l’urée)
  • variations de la force musculaire de la main et résistance à la fatigue
  • tests endocriniens
  • taux de concentration de l’iode radioactif par la thyroïde.

- Organes des sens et sénescence

  • pouvoir d’accommodation du cristallin : fréquence critique du papillotement, temps de récupération visuelle après éblouissement (substance photo-sensible de cônes dans la rétine).
  • acuité auditive

- Vieillissement du système nerveux central

  • temps de réaction à un stimulus lumineux
  • tests psychométriques adaptés au contexte culturel de chaque population : mémoire, apprentissage psycho-moteur, vocabulaire, code.

La conclusion est rafraichissante : Ces performances mesurables comparées aux courbes standard permettent de définir si un individu est "en avance ou en retard" sur l’horaire moyen du vieillissement ; elles permettront de jeter les bases d’une meilleure hygiène de l’adolescence et de l’âge mur.

Un exemple d’intervention d’une aide-soignante

Deux matins après l’intervention, un dimanche, le chirurgien vient pour sa visite un peu plus tôt que prévu, au moment où je sors de ma douche, prise en autonomie. Je me suis même rhabillée seule. Je regagne mon lit, "à mon train de sénateur" pour qu’il m’ausculte et ses premiers mots sont :
— "Vous êtes une rapide !"
Cela me surprend car je suis plutôt de la famille des tortues ; et j’ai essayé de comprendre pourquoi ce qualificatif.

  • Ma douche en autonomie, 48h après l’opération ?
    C’est l’aide-soignante qui me l’a proposée après une première douche et un brushing, la veille, entièrement passive, assise sur un tabouret !!! Les vieux se laissent facilement materner et priver sans le vouloir de leur autonomie par confort et paresse. Elle m’a sécurisée en me disant qu’elle faisait mon lit dans la chambre pendant ce temps et que je pouvais appeler à la moindre alerte. J’ai même réussi à m’habiller seule.
  • Marcher seule et me recoucher seule ?
    C’est toujours cette aide-soignante qui la veille avait pris en charge mes premiers pas à la descente du lit après 24h de station allongée :
    — Regardez en l’air, surtout pas vos pieds ni celui du porte-perfusion (qu’il faut tirer et faire tourner pour qu’il nous suive docilement)
    — Pour sortir du lit et y retourner, s’asseoir en premier puis remonter les jambes une à une (je sais j’en ai deux...) et pliant les genoux et pivoter doucement sur les fesses en oubliant l’état de mon ventre.

Alors, moi, rapide ? non j’ai été tenue à bout de bras (ceci n’est qu’un exemple) par l’équipe malgré mon inquiétude permanente de me casser la figure et de m’écraser. Toutes ces mains tendues, les connues et les inconnues, tout ce professionnalisme qui m’ont accompagnée pendant ce mini-séjour hospitalier !

Retour précoce à domicile ? le rôle du patient ou de la patiente

Après le plaisir de retrouver son environnement familier matériel et humain, les déboires risquent de s’accumuler rapidement ; la prise en main et l’ autonomie demandent organisation et rigueur pour intégrer le nouvel emploi du temps avec l’ancien, pour supprimer ce qui n’est plus d’actualité...
On se sent diminué : stress de ne pas être à la hauteur, renforcé par le sentiment d’insécurité de l’après-opération et l’élimination très lente des drogues utilisées pour l’anesthésie.

  • Agenda : calendrier des rendez-vous à venir avec infirmières, prises de sang et docteur.
  • Emploi du temps quotidien : quel médicament à quelle heure ?
  • Aménagement de l’espace pour faciliter les déplacements : le lit n’est plus mon ami mais un adversaire qui nous tend des pièges, surtout quand il faut en descendre en catastrophe en pleine nuit.
  • Menus de la semaine : c’est à nous à les construire et à les équilibrer en fonction des conseils de la diététique et de nos réactions alimentaires.
  • Dépendance familiale : on risque de perdre sa dignité et sa "self-esteem" si on a la chance de bénéficier d’aides familiales même bienvenues. D’où une négociation permanente et courtoise, pour affirmer notre place dans les choix afin qu’on n’ait pas l’impression qu’ils nous sont imposés.
  • Papiers zofficiels à remplir et envoyer — ou renvoyer — à la sécu, à la complémentaire and co.
  • Auto-médication : prise de médicaments "à la demande"
  • Très lente reprise de la vie sociale minimale en famille : repas partagés au moins partiellement.

Oui, on comprend que la majorité des patients choisisse de se reposer sur un personnel et un environnement professionnels pour faciliter la transition. Quelle responsabilité ! Je ne sais pas si dans le calcul de l’âge physiologique on tient compte de la capacité du patient à se prendre en main et comment on la mesure. L’auto-évaluation ?

Le rôle de l’infirmière (ou de l’infirmier) à domicile

Une des chevilles ouvrières à ne pas négliger
C’est de leur tact, de leur œil de lynx et de leur écoute que vont dépendre bien des suites, ou l’absence de suites. Leur rôle est vraiment complémentaire et peut éventuellement aider le patient à compenser l’absence apparente de suivi médical à la sortie de l’hôpital.

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