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Mémoire orale en bordelais : émergence de l’ethnologie

Séminaire du 19 mars au Musée d’Aquitaine

D 31 mars 2013     H 16:50     A Annie Lesca     C 0 messages


En écrivant ce titre, je me remémore une anecdote des années 80 lorsque j’avais utilisé l’expression "Mémoire orale" pour essayer de décrire mon travail para-historique, sur le terrain et en archives, enclenché par une simple mission d’inventaire des sites archéologiques : Lors d’une exposition au/à Pyla/s/Mer, le mot "Mémoire" avait été retranscrit (par une responsable locale persuadée que c’était une coquille orthographique) en "MémoireS" au sens d’un ancien qui écrit ses mémoires.

Le séminaire du 19 mars 2013 au Musée d’Aquitaine a été l’occasion pour le Conservateur François Hubert de faire un historique sur les méandres spatio-temporels de l’ethnologie locale/régionale/nationale depuis deux siècles.

Les étapes de l’intégration de la mémoire orale dans nos méthodes de recherche historique se sont faites par des chemins bien détournés, avant qu’elle n’arrive à échapper à un certain nombre de récupérations politiques ou idéologiques. Voici quelques liens pour "aller plus loin".

L’Académie celtique

La création de l’Académie Celtique en 1803 s’est faite dans un contexte de compétition des nations européennes à la recherche de leur ancienneté par le biais de survivances, surtout archéologiques.

Quelques noms

- Le Voyage dans le Finistère de Jacques Cambry, une source importante pour la connaissance de l’économie bretonne à la fin du XVIIIe siècle, par Pierrick Pourchasse.
- Contes et proverbes, suivis d’une notice sur les troubadours, 1784 : petit volume de contes et d’anecdotes puisées chez Claude Fauchet, Étienne Pasquier, Nostradamus, Le Grand d’Aussy, Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye et Millot.
- Etienne PASQUIER, Les recherches de la France : "Le passé n’est pas l’objet fixe d’une science exacte, mais un enjeu (idéologique et épistémologique".
- LA CURNE DE SAINTE-PALAYE, Dictionnaire historique de l’ancien langage français.

En 1805-1806, il publia encore diverses notices sur les monuments celtiques et le culte des pierres, sur les druides, sur l’agriculture des Celtes et des Gaulois, sur l’étymologie celtique.
- La Révolution française et les origines celtiques de la France, par Guiomar Jean-Yves, in "Annales historiques de la Révolution française". N°287, 1992. pp. 63-85.
- Reconnaissance d’une culture régionale : la Bretagne depuis la Révolution.
- L’héritage de Cambry dans les monographies du Finistère au XIXe siècle, de Joëlle Edon-Le Goff.
- Bibliographie

  • Jacques Le Brigant, un autre érudit breton celtisant, membre du Parlement de Bretagne, et aussi un des premiers chercheurs en linguistique comparée.

- Mémoires de l’académie celtique

  • "Recherches sur les moeurs des habitans des landes de Bordeaux dans la contrée connue ci-devant sous le nom du Captalat de Buch" par M. de Caila

Musées locaux et recherches, de 1880 à 1914

Objets de musée, n’avez-vous donc qu’une vie ? par Fabrice Grognet.

Les Albums de la section française du Musée d’ethnographie du Trocadéro

L’expansion de la société industrielle provoque la collecte en urgence de traces des sociétés rurales en voie d’extinction. Paradoxalement, le passage du chemin de fer dans les campagnes permet de préciser les aires géographiques liées aux aires culturelles. Les collectes s’attachent aux survivances anciennes et se focalisent autour de la notion de rustique, elles sont motivées par une certaine nostalgie et une logique conservatrice.

  • Le folkloriste Paul Sébillot : la liste de wikisource donne une idée de la régularité de ses publications de 1875 à 1911. Ses activités associatives au sein de sociétés savantes à but celtisant ne se limitent pas à la Bretagne et à la Normandie comme le soulignait récemment le colloque international de 2008. C’est au cours des "déjeuners des mythographes "qu’étaient élaborés les questionnaires qui
    ont permis à P. Sébillot de publier dans son ouvrage « Le Folklore de la France » les résultats des enquêtes faits grâce aux éléments de réponses apportés par les lecteurs de la Revue des Traditions Populaires. "C’est également au cours de ces dîners qu’étaient présentés de menus objets, témoins de la vie matérielle d’une société traditionnelle en train de disparaître, avant d’être déposés au Musée du Trocadéro".
  • Armand Landrin, proche de Jules Ferry : création du musée d’ethnographie du Trocadéro, exposition de 1878.

Participation à la collection "Merveilles de France"
- Les plages de France
- Les monstres marins

  • Ernest HAMY : "L’ethnologie, c’est l’étude de toutes les manifestations matérielles de l’activité humaine. Elle a pour but d’étudier les groupes ethniques dans leurs vies intimes et leurs rapports réciproques : alimentation et logis, habillements et parures, armes de guerre et instruments de pêche et de chasse, industries et cultures, fêtes et cérémonies civiles, jeux et arts. L’ethnographie s’intéresse aux questions d’origine et met en évidence la doctrine du progrès continu des sociétés, en montrant la similitude des usages et genres de vie ». Fondateur de la revue d’ethnographie en 1882.

La rupture de 1930 : le Front Populaire

Entre 1930 et 1937, trois mouvements vont converger, sans que les universités s’y intéressent encore. On ne parle plus de folklore mais d’ethnologie : le savoir est émancipateur. Le modèle est fourni par la mission Dakar-Djibouti de Marcel Griaule.

  • Le musée de l’homme, puis le musée des ATP : "Georges Henri Rivière, adjoint du Dr Rivet, porté par l’idéologie démocratique du Front populaire, décide d’obtenir la création d’un musée consacré aux arts et traditions populaires de la France. Dès 1935, débute la démolition du Palais du Trocadéro qui doit céder la place, à partir de 1937 au Palais de Chaillot dont l’inauguration est liée à l’Exposition universelle.

À l’origine, le Musée bénéficie des collections françaises provenant du
Musée d’Ethnographie du Trocadéro, soit environ 7334 objets référencés. Mais pour répondre aux ambitions scientifiques il est aussi créé une bibliothèque, des archives scientifiques et documentaires.

G.H. Rivière lance des enquêtes sur le terrain : par exemple la musique instrumentale en Basse-Bretagne en 1939.

Ces enquêtes se poursuivent entre 1941 et 1945 par trois grands chantiers nationaux sur le mobilier traditionnel, l’architecture rurale et les techniques de l’artisanat."

  • La sociologie et le "fait social total" : Durkheim et Mauss.
    - Marcel MAUSS, “Métier d’ethnographe, méthode sociologique.” (1902), en ligne sur ce site canadien.
    - le Don a fait apparaître dans l’ensemble social ces rythmes, ces équivalences de prestations, ces échanges harmoniques. Mauss a mis les données ethnologiques en équation.
  • On cherche à comprendre une société à travers ses objets et ses contes.
    - l’objet-témoin
    - les contes
    - le musée-labo : chercheurs et spécialistes.

Les années 60 : courant scientifique et aspirations populaires

  • Rivière et les musées régionaux
    - Germain Louis, "La biogéographie et les musées régionaux". In : Annales de Géographie. 1918, t. 27, n°145. pp. 1-10 : la biogéographie régionale, une préoccupation ancienne en zoologie : étude des migrations faunistiques anciennes et récentes (disparition des bancs d’ostrea edulis), introductions, acclimatements -> cartes de zoogéographie. Ex. monographie sur le littoral de Roscoff par P. Marais de Beauchamp.

- musée de Normandie à Caen,

- musée de Bretagne à Rennes,

- musée d’Aquitaine en 1963, il y a 50 ans.

  • aspirations populaires
  • démarche politique, LA DATAR, créée en 1963 : décentralisation, métropoles d’équilibre irriguées par les régions, assises régionales, Président de région...

Les années 2000, de l’ethnologie au patrimoine

- Les salles d’ethnologie des musées sont désertées, le nombre de visiteurs de Marquèze passe de 100 000 à 70 000.

- Les disciplines scientifiques s’autonomisent et l’université étend son domaine.
Structuralisme : systèmes de pensée (Lévy-Strauss) et non plus culture matérielle.

- Les élus se tournent vers les villes de jumelage et ne se cantonnent plus aux régions

  • ce qui permet de faire le deuil des populations rurales, en objectivant
  • et la reconnaissance des valeurs et de cultures, donc une muséologie nouvelle. Il s’agit de cultiver la démocratie et non plus de démocratiser la culture.

- La culture régionaliste vécue comme stigmate devient emblématique, les langues régionales ont droit de cité, le dynamisme de l’économie bretonne se base sur l’identité-de-pays.

- La notion de patrimoine s’élargit mais devient très contraignante :

  • le patrimoine rural,
  • le patrimoine maritime,
  • les métiers traditionnels...

La mémoire collective

Les problèmes contemporains liés aux migrations sont pris en compte : nos territoires sont aussi habités par l’émigration. Les émigrés ont droit à la parole.

Les territoires sont des lieux de cohabitation de logiques culturelles différentes. Il faut apprendre à se connaître et à changer ensemble. On glisse du "territoire ancestral" à une terre d’accueil.

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